31 janvier 2010 7 31 /01 /janvier /2010 14:42

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Lorsque le journaliste franco-iranien Armin Arefi se rend pour la première fois à Téhéran en 2005, il se demande bien ce qu’il va y découvrir. A l’époque, l’Iran fait peur. On s’en fait l’image d’un repaire d’extrémistes de tout poil qui ne pensent qu’à une chose : obtenir la bombe atomique. Cette image-là s’avère être à des années lumières de la réalité…d’ailleurs le coup de foudre est immédiat. Il restera dans le pays jusqu’à ce que ses articles le placent dans la ligne de mire du régime et qu’il doive rentrer à Paris en 2007, sous peine d’emprisonnement. Publié le 19 février 2009 puis réédité le 19 novembre avec une postface inédite à propos des événements relatifs à l’élection présidentielle, Dentelles et tchador retrace ces deux années au pays des mollahs. A contre-courant des idées reçues, le récit d’Arefi se veut un guide authentique de la société iranienne à l’usage des occidentaux.

 

 

Saviez-vous que la République islamique est le paradis de la drague ? Que les transsexuels désirant s’y faire opérer reçoivent des subventions de l’Etat ? Que la plupart des Iraniennes se font refaire le nez (et même plusieurs fois pour les plus fortunées) ? Que tous les chauffeurs de taxi vous prieront de ne pas les payer (gardez-vous de les prendre au mot !) ? Ou encore que les foulards islamiques revêtent une dimension puissamment érotique ? Oui, il s’agit bien de l’Iran... Au gré de ses rencontres, Armin Arefi dépeint une société d’une richesse extraordinaire, une jeunesse jamais en panne d’imagination. Dentelles et tchador est une tension constante et douloureuse entre désir de liberté et force de la tradition,  entre progressisme et réactionnisme, passion et résignation,  joie de vivre et désespoir, bref, c’est le contraste au coeur duquel l’identité iranienne puise son infinie complexité.

 

Il s’agit de bien plus qu’un carnet de voyage. Si les premières pages nous font redouter la fascination naïve de l’occidental séduit par l’ « humour », « la joie de vivre » des autochtones « à mourir de rire », les désillusions qui vont suivre nous rassurent quant à la lucidité de l’auteur. D’ailleurs, celui-ci ne reste pas longtemps cantonné au rôle d’observateur. Peu à peu, le lecteur se laisse entrainer avec lui dans les méandres du monde téhéranais. Un monde où l’on rit souvent, c’est vrai, mais souvent pour ravaler ses sanglots. Un monde où la répression du désir l’exacerbe à outrance. Où les femmes sont prêtes à risquer l’emprisonnement à force de maquillage et de vêtements moulants, pour le plus grand plaisir des regards masculins -mais que leurs propres sœurs ou femmes ne s'avisent pas d'en faire autant !.. Où la confiance est un luxe que personne ne se permet, sous peine de subir de graves désillusions. Mais c’est aussi un monde plus vivant et plus coloré que jamais en dessous du manteau gris que voudrait lui imposer le régime. Un monde bouillonnant d’idées, cédant parfois au désespoir, mais d’un courage hors du commun.

 

L’écriture d’Arefi ne s’embarrasse pas de tournures alambiquées, il leur préfère une sincérité que l’on ne met jamais en doute et qui n’a rien de simpliste. Dentelles et tchador est pauvre en données historiques ou économiques : Arefi puise ses analyses dans son expérience intime, son immersion vécue, loin des considérations structurelles abstraites. Mais pour le lecteur français, cette plongée au cœur de la société iranienne est bien plus éclairant qu’un quelconque traité de géopolitique. D’ailleurs, le livre à peine refermé, il ne rêvera probablement que d'une chose : prendre le premier vol pour Téhéran.

 

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